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Le côté décadent de LOS ANGELES
Collision (Crash en VO) de Paul Haggis (2005):Oyez, oyez, allez vous "scrasher" frontalement contre ce film, la réalisation en est virtuose et enlevée, les amateurs de films d'action adoreront, et les cinéphiles pourront apprécier d'être secoués au tréfond de leur âme, car ce film provoque des émotions fortes, tant la tension existant dans cette ville de LOS ANGELES est patente, entre les différentes communautés, les différentes couleurs de peau.Il y a les braqueurs noirs de voiture, les flics blancs racistes, les flics blancs tolérants, les flics noirs, les chinois qui font passer des immigrés chinois dans le pays, les immigrés iraniens qui tiennent un magasin et achètent une arme pour se défendre des agressions racistes, il y a le réalisateur de film noir qui a réussi et qui se fait braquer sa voiture par des noirs...Ce film nous montre la plus pénible des coexistences entre les différentes communautés, le point de vue de Paul Haggis est extrêmement sombre: à chaque fois, c'est une "collision" qui a lieu, accidents de voiture, coups de feu, harcèlement moral ou abus de pouvoir, tout dans ce film met en exergue le choc des différences, des préjugés et des intolérances. "Les individus ne sont pas nécessairement tout bons ou tout mauvais" (Première), en témoigne notre beau policier ici sur l'image (Matt Dillon), qui après avoir maltraité la femme du réalisateur noir au cours d'une fouille au corps, se retrouve à la sauver héroïquement d'une voiture en feu.Bref, un film assez glauque, mais à voir, pour sa vision décadente des Etats-Unis. -
Le quartier Géorgien de Tel-Aviv
CADEAU DU CIEL (Matana MiShamayim / Gift From Heaven) de D. Kosashvili (2005), film franco-israëlien:
Le gros cadeau qui descend du ciel, dans ce film, ce sont les sacs de diamands qui débarquent de la South African Airlines à l'aéroport de Tel-Aviv, et que transportent hors de l'avion une équipe de bagagistes géorgiens. Ils montent un projet pour les voler, et entre-temps, on assiste à leur vie trépidante, entre les parties de poker où l'on joue gros, les amourettes délirantes des uns et des autres - les hommes humilient les femmes des autres en les offensant verbalement ou en leur retirant leur culotte en pleine rue (ce qui demande une technique maîtrisée), le père de famille tyrannique (incarné par Moni Moshonov) qui refuse que sa fille fréquente une "mauviette", et qui du coup l'enferme dans le placard, la femme battue revenue chez papa-maman et qui laisse son frère et son père tabasser son mari pour la venger...
L'intérêt de ce film ne réside donc pas tant dans l'intrigue de gangsters que dans le portrait dressé de cette grande famille géorgienne de Tel-Aviv et de ses voisins. Le côté mafioso et mysogine de ces personnages masculins peut cependant créer un malaise. "Pour autant qu'ils soient égoïstes, veules, frimeurs, menteurs, phallocrates, le sentimentalisme naïf et la force du désir brut qui les anime les rend éminemment attachants" in http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3476,36-684664@51-629244,0.html .
Bref: à voir, pour être bousculé. http://www.imdb.com/title/tt0339366/ for English Spoken People.
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Le paradis ici et maintenant?
Paradise now d'Hany Abu-Assad (2005):
Non, ce film ne dessine pas un paradis, ni sur Terre ni au ciel.
Non, ce film ne fait pas plaisir. Non, ce film ne rend pas heureux.
Et pourtant, ce film est nécessaire, pour tenter d'appréhender ce qui se passe dans la tête de deux Palestiniens de Naplouse, en Cisjordanie, qui ont été choisis pour commettre un attentat-suicide à Tel-Aviv. Ils enregistrent leur testament devant une caméra, qui devra contribuer à faire d'eux des héros martyrs de la cause palestinienne, ils profitent des moments passés en famille, des premiers instants d'un amour naissant - avec la superbe Lubna Azabal, et entreprennent de franchir les barbelés qui les séparent des territoires israëliens. Convaincus tout d'abord que la mort (la leur et celle de soldats et de civils israëliens) est leur seul moyen de résistance, ils en arrivent finalement à douter des convictions qui les poussent à faire les kamikazes ensemble. Chacun a son propre passé et sa propre conscience.
C'est tragique, c'est poignant, c'est un sujet brûlant.
Extrait d'un entretien avec le réalisateur: "Il est impossible de décrire tout le poids et la complexité de la tragédie palestinienne dans un film. Aucune des deux parties ne peut prétendre que ses positions sont plus morales surtout quand il s'agit d'ôter la vie à des êtres humains."
A lire, la critique de Télérama: http://cinema.telerama.fr/edito.asp?art_airs=M0509051431398&rub=2&page=a_la_une&srub=2
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Etre père ou ne pas être père?
Broken Flowers de Jim Jarmush (2005):
Don (Bill Murray, au facies si expressif) vient juste de se faire larguer par sa dernière petite copine, et apprend qu'il est le père d'un charmant bambin de 19 ans, dont la mère ne révèle pas son identité. Le voilà donc parti à la recherche de ses anciennes conquêtes d'il y a 20 ans, dont il a fait la liste...Il les visite une par une, un bouquet de fleurs roses à la main (roses parce que le papier de la lettre était rose), et les interroge discrètement pour savoir laquelle est la mère de son fils encore inconnu.
Ce road-movie est un joyau: à chaque expression de Don (vous savez, son air de chien battu si célèbre) on prête une pensée de circonstance, en général comique, parfois pathétique; son voisin "Sherlock" (Jeffrey Wright) est son parfait contre-poids, et chacun des épisodes au cours desquels il rencontre une ex (Sharon Stone et sa fille Lolita la bien-nommée, Jessica Lange et Frances Conroy) est déroutant, absurde, voire farfelu. La diversité des situations que rencontre sa quête fait que l'on ne s'ennuie pas, et la fin déjoue toutes nos attentes.
Bref: un très beau film, avec des acteurs de grande qualité. Allez voir sur http://www.imdb.com/title/tt0412019/ pour plus de renseignements, et sur http://www.bacfilms.com/presse/brokenflowers/ pour les plus belles images du film!
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Echanger pour mieux aimer
Peindre ou faire l'amour de J-M et A. Larrieu (2005):
Ce film est superbe.
Amateurs de films aux dialogues peaufinés, aux paysages grandioses, aux lumières chatoyantes, aux acteurs aguerris et aux personnages gracieux, aux connexions enrichissantes et brillantes entre les personnes, ne vous gâchez pas ce plaisir!
Laissez-vous troubler par la rencontre de ce couple de jeunes retraités, Madeleine (la superbe Sabine Azéma) qui peint le Vercors, William (Daniel Auteuil) qui s'ennuie, et trouve dans sa nouvelle maison de montagne une raison d'être heureux, avec le couple d'Adam (l'impressionnant Sergi Lopez, en aveugle philosophe et maire de village) et Eva (la charmante Amira Casar), leurs nouveaux voisins. Ils vont devenir amis, amants, connaître les émois de l'attachement, du manque, des retrouvailles, envisager une vie ensemble sur les îles, puis se quitter sans heurts. William ne prononce le mot "échangisme" que lorsqu'il croit avoir été "baisé" par Adam et Eva (le moment de doute qui assaille souvent celui qui est sincère), et sinon leur amour ne cadre pas avec la connotation péjorative de cette "pratique sexuelle". Adam l'aveugle leur a rendu la vie, rendu l'amour.
Bref, un film enchanteur et ensorcelant, plein de charme!
"Les réalisateurs [...] précisent, à propos de l'aspect transgressif de cette histoire : "Au fond, ce qui est subversif et provocant chez eux, c'est l'innocence et la légèreté avec laquelle ils passent à l'acte." " sur http://www.festival-cannes.fr/films/fiche_film.php?langue=6001&id_film=4284546
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L'été de l'amouuuur!
My Summer of love de Pawel Pawlikovski (2005)L'amour, l'amour! C'est beau, surtout quand c'est une histoire entre deux jeunes filles en fleurs gracieuses, l'une en vacances dans le manoir de ses riches parents jamais là, l'autre qui cherche à fuir le pub familial où ne lui reste plus que son frère, dans une phase mystique, qui a reconverti le débit d'alcool en salle de prières digne d'une secte.Elles fument, elles boivent, elles vont se baigner, de vraies vacances (j'aime bien cette citation d'Edgar Morin: "La vacances de valeurs fait la valeur des vacances") ! C'est une vraie histoire d'amitié, d'affinités, teintée d'une touche de sensualité qui peut troubler.Et comme "les histoires d'amour finissent mal, en général", Mona s'aperçoit que Tasmin lui a menti, et qu'elle exerce aussi son pouvoir de séduction sur son frère, en guise de test amusant.Bref, un beau film, de belles actrices, un régal! -
Palindromes, ou le malaise
Palindromes de Todd Solondz (2005)
Un palindrome est un mot ou une phrase qui se lit dans les deux sens, comme Aviva, le prénom de l'héroïne de ce film très déconcertant. Film insolite de par son intrigue, qui met en scène cette adolescente de 12 ans qui veut être maman à tout prix, pour avoir toujours quelqu'un à aimer, et qui se retrouve enceinte, et obligée d'avorter par sa mère. Elle fugue alors, et rencontre un routier déphasé, puis Mama Sunshine et sa famille d'illuminés contre l'avortement. Le sujet de ce film est donc bien incongru, et on ne peut plus tragique puisque le "boucher" Fleisher qui l'avorte est obligé de lui enlever son utérus, suite à une hémorragie: elle ne pourra donc jamais avoir d'enfants, elle qui en voulait plein plein ! Mais non, je ne vous ai pas dévoilé la fin du film, cela on le sait dès le début! D'où une impression de malaise, de tragique de l'existence, qui m'a fait ressortir de ce film plutôt déboussolée. Et le fait que j'étais toute seule dans la salle obscure n'a rien arrangé: quoi, personne d'autres pour recevoir en pleine face ce percutant du gauche?
Car j'oubliais! Le film est divisé en une dizaine de chapitres, et Aviva est interprétée à chaque fois par une actrice différente! Ces changements de corps accentuent l'aspect déroutant du film: tantôt Aviva est une petite brune grassouillette, tantôt elle est une noire obèse, tantôt une châtain mince aux yeux bleus! Ces différentes matérialisation ne font d'ailleurs que mettre en exergue son mal être face à son enveloppe charnelle. Sa coquille ne lui sied pas, et pourtant elle s'y enferme!
Bref, un film pour être déstabilisé, agacé, perturbé, et pour ressentir le tragique de la vie!
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Le thé japonais a des vertus hallucinogènes
The Taste Of Tea, de Katsuhito ISHII (2003):
Ce film avait complètement échappé à ma sagacité en 2003, pas plus que ne m'avait interpelée sa présence à la quinzaine des réalisateurs de Cannes en 2004. Ce n'est donc qu'avant-hier soir que j'ai découvert ce fin bijou oriental, au cours de sa dernière séance dans mon cinéma préféré.
La première image est un écran noir, mais les bruitages sont surprenants: des halètements qui ne peuvent que faire penser à une scène d'amour (mais non, je ne pense pas qu'à ça!), et qui s'avèrent être ceux d'un adolescent qui court le long d'une voie ferrée, à la poursuite de la fille qu'il aimait, et qui est partie avant qu'il n'ait pu lui avouer son amour. Tout essouflé, le garçon s'arrête, et son front se fait alors transpercer par un train miniature, qui laisse ensuite un trou béant dans son crâne. C'est surréel, mais pas horrible: le dérisoire ici ne fait qu'atténuer - ou mettre en exergue - la frustration du garçon, sa déception et son désir.
Et puis il y a sa mignonne petite soeur aux couettes, qui ne sourit jamais parce qu'elle est pertubée par la présence constante de son double, géant. Et la mère qui fait des croquis du grand-père adoptant des poses. Et le père qui les hypnotise pour leur permettre d'accéder à leur riche inconscient, pendant que les autres, qui n'ont pas accepté d'être hypnotisés, regardent un programme délirant à la télévision.
Ca en fait, donc, des histoires racontées, dans ce film, une histoire, celle de cette famille japonaise en apparence paisible. Il se passe pléthore d'événements, et pourtant on sort de ce film apaisé: parce que les images sont superbes, parce que le réalisateur prend le temps de soigner ses plans des personnages, de la nature, les couleurs; la musique est harmonieuse sans être sirupeuse.
Un film A VOIR, pour éprouver le bonheur de respirer, le plaisir de voyager, et le délice de contempler.