Ravage de René BARJAVEL, roman de science-fiction (1943):
Nous voici en 2052, les "temps nouveaux" offrent à l'homme la possibilité de profiter de la modernité: les trains font le tour de la Terre en un éclair, on peut aller dîner en Ecosse pour la soirée, on reçoit du lait au robinet, le "Midi de la France, devenu un immense verger, produi[t] des fruits pour le reste du continent" (Folio p. 44), des façades en verre protègent Paris de la canicule, et l'on conserve ses défunts chez soi dans des pièces réfrigérées. Les gens n'ont donc plus peur de la mort, les assassins sont dissous dans des bains d'acide qui leur refusent "cette présence perpétuelle, succédané de l'éternité, qui rassuraient les mortels" (id. p. 53): le crime disparaît, "on continua seulement de tuer par amour".
Mais Ravage prend tout son sens lorsque brusquement l'électricité disparaît, à jamais: les avions et les trains s'écrasent, les voitures s'arrêtent, les téléphones et les télévisions se taisent, les ascenseurs des tours de 400 étages restent bloqués...Notre jeune couple de héros, François et Blanche (à propos, pourquoi Scarlet Johanson? 1. Parce qu'elle est la plus belle représentation moderne de Blanche, l'héroïne de Barjavel, et 2. Parce qu'elle est beaucoup plus sexy que René Barjavel) va devoir survivre, fuir Paris en flammes, pour tenter de reconstruire dans leur Provence natale un nouveau monde, à l'ancienne.
Ravage est terrifiant et tragique, souvent cruel, mais le monde nouveau qu'il propose est digne d'intérêt, et assez original: pour repeupler le Sud de la France, ils réinstaurent la polygamie!
Extrait: "Le résultat fut si probant qu'un loi institua un examen mental annuel obligatoire pour tout le monde. A la suite de cet examen, chaque printemps, un grand nombre de citoyens passaient au Dépiqueur. Les simples énervés, anxieux, tiqueurs, grimaciers, bègues, timides, ceux qui rougissent d'un rien et ceux qui dorment debout, les sans-mémoires, les parleurs nocturnes, les distraits, les avaleurs de vent, les grince-dent, les trembleurs, les vantards, les parle-toujours, les taciturnes [...] bref, les petits dérangés recevaient seulement une secousse qui les repoussait dans le droit chemin de l'homme moyen dont ils tendaient à s'écarter." (Folio p. 214)